J’aurais pu également parler d’archéologie d’internet. Lorsque j’effectue mes recherches historiques sur une entreprise, mes principales sources sont les archives privées de l’entreprise, de la famille que je complète avec le fonds municipal et/ou départemental. Elles me permettent de comprendre le développement économique et de préciser le contexte local. C’est beaucoup de lecture entrecoupée d’observation de photographies, de films 8 mm, parfois de cassettes audio.
Avec le développement des sites internet, des blogs et des réseaux sociaux, une autre source d’informations nous tend les bras. L’intérêt de ces nouvelles données consiste, pour le site Internet, en une présentation globale de l’entreprise incluant souvent un historique, et pour les réseaux sociaux, en une série de réactions à l’actualité de l’entreprise ou de la société en général.
Avec le recul, ces posts vont prendre de la valeur et pourront être soumis à interprétation historique au même titre qu’une lettre datée de 1920 ou d’un conseil d’administration des années soixante. Imaginez qu’un chef d’entreprise lance son activité en 1920 en se filmant et en expliquant ses motivations. On trouverait ça génial : c’est exactement ce qu’il va se passer dans cent ans lorsqu’on visionnera une vidéo de 2019. Internet va devenir une source formidable d’informations pour un historien : données de contexte, données chiffrées, images fixes, vidéos, commentaires, discussions. L’on pourra reconstituer le profil du chef d’entreprise, chose très délicate à faire pour une personne ayant vécu en 1920. En travaillant sur la laiterie de Pamplie, j’ai eu accès aux copies carbone des courriers envoyés par le gérant-comptable de la laiterie, Maximim Olivier, avant et pendant la Première Guerre mondiale. Malgré mes recherches, cette personne est restée un mystère, et sans descendance, absolument oubliée. Ah s’il avait eu un profil sur Twitter ou tenu un blog !

Cette abondance d’information est une aubaine pour un chercheur : plus l’entreprise est bavarde, mieux il se porte ! D’autant que parallèlement au bavardage numérique, les documents relevant de vie de l’entreprise, comme les relevés des conseils d’administration et des assemblées générales, s’appauvrissent. Ils deviennent de plus en plus formatés, ne reviennent plus sur les mois passés en détaillant l’activité et les changements. Les documents officiels se contentent d’énumérer les décisions prises. Le contexte se perd, l’entreprise se déshumanise : une mise en corrélation avec les données numériques pourrait y remédier.
Et c’est souvent avec humour que les entreprises réagissent à l’actualité du moment 🙂


Pour fêter ses dix années d’entreprise, Émery Jacquillat retrace le 1er juillet 2019 (soit pile dix ans après la reprise) les « dix moments clés de l’aventure Camif à travers dix tweets et des liens vers des vidéos et articles de l’époque » dont sa première vidéo de 2009.

Il s’agit peut-être là d’un premier fil historique dématérialisé… presque, car les tweets n’ont pas été édités au fil des dix années… mais l’idée y est. Un tweet d’hier fait déjà partie de votre histoire et les relire à la manière d’un agenda ou d’un journal intime est toujours source de remémoration. D’ailleurs Facebook nous le rappelle avec « Ce jour-là, il y a dix ans… », photo et texte à l’appui.
Merci à mes clients, SOVB, La station de la Bresse-Hohneck, Sothoferm, la laiterie de Pamplie, les architectes du cabinet R&C et à Émery Jacquillat pour le partage de leur tweets, sites, posts Linkedin et Facebook 🙂